Actualités of Friday, 10 August 2018

Source: ouest-france.fr

Effrayant témoignage d'un 'enfant sorcier' Camerounais

Les gens de mon pays m'ont repoussé - Charly Les gens de mon pays m'ont repoussé - Charly

Charly est né au Cameroun. Considéré comme un enfant sorcier dans son pays, il a fui, après avoir échappé à la mort. Son périple dure des mois, Nigeria, Niger, Algérie, Maroc... Vendu en Libye pour travailler dans les champs, il a rejoint la France au péril de sa vie. A Rennes, de nouvelles désillusions l'attendaient...

« Mon rêve est de devenir cuisinier, d'ouvrir un jour un restaurant en France. » Charly venait d'avoir 15 ans, quand il a quitté le Cameroun. « Dans mon quartier, j'étais considéré comme un enfant sorcier, comme mon grand-père. Mon père me protégeait, jusqu'au jour où il a été malade. Des gens sont venus chez nous, la nuit, ont tout cassé, incendié la maison, ils voulaient me tuer. Mon père m'a caché dans l'eau avec un tuyau pour respirer. J'ai décidé de partir. »

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« À Yaoundé, on a été fouettés »

Charly raconte comment il a fui, à pied. « J'ai fait la première partie du voyage avec un ami que j'ai rencontré en route, qui est depuis décédé. Ma famille m'a beaucoup manqué, tous les jours je pleurais. Je ne savais pas ce qui m'attendait, c'était dur pour manger, dormir. À Yaoundé, je lavais des voitures, je vendais des sachets d'eau, je dormais à la gare routière, j'appartenais à une bande de gamins de rues. On a été fouettés, on nous a demandé de ne pas revenir. »

« Vendu dès mon arrivée en Libye »
Son périple dure des mois, Nigeria, Niger, Algérie, Maroc, puis la Libye. « On nous avait dit que c'était le pays pour rejoindre l'Europe. On a passé la frontière la nuit. » Charly raconte comment, à Tripoli, des migrants étaient enfermés dans des caves. « J'ai été vendu dès mon arrivée, pour travailler dans les champs de 6 h à 22 h contre un peu d'eau et de pain. On était frappé si on se plaignait. Un jour on a été mis dans un bateau, beaucoup se sont noyés avant d'être repérés par un hélicoptère et ramenés en Italie. »

« J'espérais aller à l'école »

De là, Charly rejoint la France à pied, Nice, puis Rennes, en train, fin septembre, avec en poche la photocopie de son extrait d'acte de naissance. « J'espérais aller à l'école ».

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Il est d'abord pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, puis le 2 décembre,c'est la douche froide: « J'ai reçu un avis comme quoi, mon acte de naissance était une photocopie sans photo, que mon histoire était incohérente, que mon gabarit ne correspondait pas celui d'un mineur de 16 ans, que je devais quitter l'aide sociale à l'enfance. » Un coup dur pour Charly, qui se retrouve à la rue. « C'était dur, très dur. »

« Les gens de mon pays m'ont repoussé »

Heureusement, il est accompagné par les associations, « puis mon avocate, à qui je dois beaucoup. Elle m'a donné de la force, à des moments où j'étais désespéré. » Charly finit par récupérer son extrait d'acte de naissance au consulat du Cameroun, à Paris, en mars, puis une carte d'identité consulaire.

Le 8 juin, il est à nouveau admis à l'aide sociale à l'enfance. Charly sait que son combat n'est pas fini. « Le 1er janvier 2019 j'aurai 18 ans. Là, j'ai pu suivre un stage en cuisine à Saint-Malo, j'y loge dans un hôtel ce mois-ci. Sinon, j'ai une famille d'accueil à Rennes, où je me sens bien, qui m'aide. J'ai retrouvé l'espoir. Je veux faire une formation, apprendre un métier. Je parle plusieurs langues. Dans la rue, j'ai dû voler pour manger, mais ce n'est pas moi, je ne veux pas de cette vie-là. Les gens de mon pays m'ont repoussé, j'aimerais qu'on me donne ma chance, qu'on me croie. »